Paysage « Pour être beau, un jardin doit être bien né »
Reconduit président du jury du « Carré des jardiniers » dans le cadre du salon Paysalia, du 5 au 7 décembre dernier à Lyon (69), Jean Mus donne depuis l'automne une série de conférences sur l'art des jardins méditerranéens.
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Penser, concevoir et réaliser un jardin d'exception sur 200 m² au coeur de Paysalia, tel sera cette année encore le défi à relever pour les lauréats du concours des jeunes concepteurs et entrepreneurs du paysage. Thème 2017 : Les bons soins du « docteur Jardin » ; les créations illustreront la santé et le bien-être. Authenticité, talent, audace, créativité, durabilité, partage font partie des critères du jury.
Autant de qualités mises en oeuvre depuis plus de trente ans par Jean Mus pour composer ses jardins, devenus célèbres dans son Sud natal. Enfant de la Méditerranée, il aime se définir comme un « marchand de bonheur », tant sa jeunesse passée à la villa Croisset, à Grasse (06), a forgé sa vision de l'art des jardins. Son père, chef-jardinier du domaine, lui donne le goût du travail bien fait et sa grand-mère un conseil bienveillant : « Mon petit, sois curieux. » C'est ainsi qu'il comprend l'eau, le vent et la lumière au fil de ses promenades dans les jardins italo-mauresques, dessinés par Ferdinand Bac. Il y rencontre aussi le paysagiste anglais Russell Page.
Bien avant ses études d'architecte à l'école de Versailles (78), Jean Mus est donc déjà initié à ce qui est pour lui un art de vivre. « Nous sommes des jouisseurs, pas des paysagistes concepteurs ! », s'exclame-t-il aujourd'hui, tant ce titre ne lui ressemble pas, quand bien même il en a été l'un des défenseurs dans la profession. Pourquoi ? « Parce que personne ne sait ce que cela veut dire, ni aux États-Unis, ni dans mon pays ! », explique l'homme un tantinet provocateur. « Je dis venir de Méditerranée, ça suffit et c'est pareil pour le jardin, il faut être juste et répondre aux bonnes questions de la nature, ne pas la trahir, la laisser parler. »
Redonner vie au génie du jardinier
Jean Mus est à contre-courant de l'esprit dominateur des Français au jardin. Et surtout de l'air du temps où tout est taillé, même les platanes, par économie, pour éviter de ramasser les feuilles. Le Provençal s'insurge contre les oliviers formés en nuage, sous prétexte de suivre la « tendance » car « ce sont des buissons, pas des arbres, et ils ne fructifieront plus jamais ». Cette manie du contrôle l'amène aussi à questionner notre société : Avec l'arrosage automatique, qui apprendra à un enfant à se servir d'un arrosoir ? Au final, quel lien aura-t-il avec la terre ? C'est pourquoi, il veut redonner vie au génie du jardinier qui taille et arrose à bon escient : « Un métier d'une grande exigence, déshonoré à force de vouloir tout simplifier. » Pour lui, le jardin devient beau avec le temps et naît de la rencontre entre le professionnel et le propriétaire. Une alchimie entre les hommes, la nature et la région. Il utilise les ressources locales pour créer des paysages ancrés dans les territoires, sans céder aux modes. Pour retrouver l'émotion, il tire parti d'une colline, du maquis ou d'un arbre penché, « le vent est le jardinier le moins cher au monde » s'amuse-t-il.
À propos de l'utilisation parcimonieuse des fleurs dans ses créations, le paysagiste confie que s'il n'aime pas beaucoup les roses, par exemple, tout n'est qu'une question de dosage et de temporalité. Il faut savoir regarder les feuillages et jouer avec leurs nuances, les associer à des champs de cistes ou de graminées et de papavers. L'important, c'est l'éveil des sens. Et l'homme de s'enthousiasmer pour ses chers champs de lavande de Provence, uniques au monde, qui ravissent les touristes de la fin avril à la mi-août.
C'est ainsi qu'il conçoit des jardins de plaisir et de bien-être. En déclinant les bleus de la Méditerranée, nous voilà en Grèce, avec des amis réunis pour le déjeuner, l'Ouzo dans les verres. Dans un jardin de parfumeurs, on caresse les végétaux en passant dans l'allée pour en exhaler les odeurs. Cet art de vivre, Jean Mus le transmet tout autant qu'il en est l'héritier.
Le message qu'il adresse aux jeunes professionnels ? « Faire du jardin, pas de l'espace vert » et réfléchir sur le long terme à son entretien car « la nature est tolérante mais si vous ne lui donnez pas le meilleur, elle demandera des comptes. »
Isabelle Cordier
Jean Mus donnera plusieurs conférences et signera ses livres à l'occasion de la réédition de son ouvrage Jardins secrets de Méditerranée (Editions Flammarion) et de la sortie de son nouvel opus, Jardins méditerranéens contemporains, (Editions Ulmer - voir le Lien horticole n° 995 du 7 décembre 2016).
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